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L’ONCLE BARBE-BLEUE

finirent par en pleurer, par se tordre et par se rouler par terre. L’attitude de Marie-Antoinette, qui seule boudait toujours, les excitait encore. On n’entendait que des oh ! oh ! oh ! des ah ! ah ! ah ! et des hi ! hi ! hi !

« Il y a des années que je n’ai tant ri, déclara M. Maranday lorsque l’hilarité générale fut un peu calmée.

— Mais aussi, quelle idée baroque ! dit Mlle Favières.

— Comment deviner que nous aurions toutes la même pensée ? s’écria Geneviève. Miséricorde ! qu’allons-nous faire de tous ces œufs-là ?

— Une omelette pour Gargantua, insinua malicieusement l’Oncle.

— Je ne comprends pas que la cuisinière ait pu en réunir une telle quantité en si peu de temps, dit Valentine, considérant d’un œil mélancolique les cinq bourriches déposées aux pieds de M. Maranday comme une offrande à un dieu mystérieux, n’acceptant que des œufs, et rien que des œufs.

— Ça s’est bien trouvé, mademoiselle Valentine, lui dit le cocher, Joséphine venait justement d’en acheter pour sa provision d’hiver, conservés dans de la chaux.

— Mais rien ne nous empêche de varier la manière de les préparer, répartit Valentine. J’avais choisi une omelette parce que c’est mon triomphe.

— Et moi, parce que c’est bien simple, dit Élisabeth.

— Et si vite fait, ajouta Marie-Antoinette.

— Et si bon tout chaud, dit Charlotte la gourmande, j’en voulais une aux confitures pour le dessert.

— Quand je pense, reprit Geneviève, que je voulais faire une omelette parce que je croyais que personne n’en aurait l’idée !