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UN PIQUE-NIQUE

premiers cyclamens aux teintes violacées, aux formes exotiques avec leurs larges feuilles lustrées !

Puis vinrent les vastes étendues couvertes de bruyères à perte de vue. Et, tout en haut, Valentine tomba en extase devant des grandes gentianes violettes, des fleurs d’arnica, semblables à d’énormes marguerites d’or, et plus rares encore, quelques mignonnes gentianes de la petite espèce ouvrant tout près du sol leur corolle d’un bleu si vif, si intense qu’on eût dit une petite âme humaine, un regard éclatant au milieu des microscopiques fleurettes qui faisaient le fond de cette végétation alpestre.

Valentine oubliant toute timidité, poussait de telles exclamations que M. Maranday se mit à lui parler comme à une grande personne des merveilles florales qu’il avait vues au Mexique, de ces orchidées si bizarrement contournées, de ces fleurs-oiseaux, fleurs-insectes douées d’une vie presque animale.

Bien avant d’arriver au lieu fixé pour le pique-nique, Valentine et son oncle étaient si grands amis que celui-ci s’était engagé à déballer pour sa petite nièce ses herbiers et collections rapportés de maints pays lointains.

« Vous avez donc été partout » ! s’écria la fillette en joignant les mains avec admiration.

« J’ai vécu longtemps au Mexique et dans l’Amérique du Sud », riposta M. Maranday, mais une ombre passa sur son front et la fillette n’osa continuer de l’interroger.

Marie-Antoinette boudait parce qu’au lieu de se diriger vers Uriage, ou tout au moins vers Allevard, comme elle l’avait cru d’abord, on allait « dans un pays perdu, en pleine montagne », à un endroit appelé les Sept-Lacs et bien connu des touristes. Élisabeth et Charlotte parlaient peu, la présence de