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L’ONCLE BARBE-BLEUE

vite. Une petite brise folle leur caressant le visage éparpillait leurs cheveux soyeux ; le ciel n’avait pas un nuage…

Les oiseaux les saluaient au passage et les liserons roses et blancs du bord de la route ouvraient tout grand leurs jolis yeux comme pour les mieux voir. Des parfums subtils embaumaient l’atmosphère, comme si toutes les fleurettes des champs eussent agité en leur honneur leurs cassolettes aux senteurs pénétrantes.

Ce fut plus beau encore, lorsque après avoir traversé la vallée, au sortir de la colline sur laquelle était situé Rochebrune, on s’engagea sur le versant opposé, dans les hautes montagnes qui bordent la vallée du Grésivaudan.

Oh ! ces sapins aux lourdes branches et aux formes pyramidales, dont la cime élégante se terminait par une unique aiguille fine et gracieuse ! ces ruisselets cristallins rencontrés à tout instant, tantôt bondissant sur les cailloux, tantôt perdus sous la verdure, d’où ils ressortaient en cascades jaillissantes, et comme ivres de joie et de jeunesse pour aller de nouveau se cacher sournoisement sous les roches ! Oh ! ces mousses si légères et si variées, fraîches et molles, étoilées de rouges fraises des bois aux fleurs de neige… Et ces hautes fougères dentelées, ces digitales pourpres, ces anémones sylvie, si coquettes dans leur blancheur immaculée. Tout d’un coup, sans transition, d’épais tapis de myrtilles aux baies bleues, et des ronces aux fruits juteux, dont quelques-uns commençaient à noircir, au grand bonheur de ces demoiselles, qui de temps à autre demandaient en grâce à descendre pour revenir, les mains pleines de trésors bientôt croqués ou jetés, à mesure que d’autres venaient les remplacer…

Quelle joie lorsqu’on découvrit sur la pente d’un talus les