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UN PIQUE-NIQUE

chercher le plus beau bouton frais éclos pour l’offrir gauchement à son oncle.

C’était peut-être la première fois qu’elle s’adressait directement à lui. Jusque-là, une timidité invincible l’avait paralysée, mais l’Oncle qu’elle découvrait alors lui semblait tout autre et comme dégagé d’un poids énorme. Il insista pour qu’elle passât elle-même la fleur à sa boutonnière, ce qu’elle fit en rougissant de joie. Puis elle courut chercher une magnifique rose-thé pour Mlle Favières, qui eut l’air très sensible à cette petite attention, et elle rapporta toute une provision de roses de Bengale pour ses cousines. Elle voulait que tout le monde fût fleuri en ce jour de fête.

Mais Marie-Antoinette ne se pressait point d’arriver.

« D’où vient que je ne vois que quatre petites filles lors que je croyais avoir cinq nièces ? demanda M. Maranday. Je ne suis pas d’une patience à toute épreuve, Mesdemoiselles, et je vous préviens que si Mlle Marie-Antoinette n’est pas ici dans cinq minutes, nous partons sans elle. »

Son ton démentait ses paroles, mais les petites filles s’y trompèrent.

« Comment ose-t-elle faire attendre l’Oncle ? » se dirent-elles effrayées, tandis que Valentine grimpait les escaliers quatre à quatre pour venir en aide à la retardataire.

Quelques instants après, Mademoiselle de Montvilliers faisait son apparition, toute pimpante dans une coquette robe de soie crème, semée de gracieuses fleurettes multicolores. Une ceinture bouffante à gros nœud rose, une ombrelle de même couleur, et un chapeau de paille de riz sur lequel était jetée une gerbe de fleurs, si bien imitées qu’on eût dit des fleurs naturelles, complétaient son costume.