Page:Lermont - Les cinq nièces de l'oncle Barbe-Bleue, 1892.pdf/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Je ne veux rien savoir. Mettez tout ce que nous vous demandons dans autant de paniers que nous sommes de personnes, et ne dites rien à l’oncle, afin que nous ayons une surprise.

— Pour une surprise, vous en aurez une, s’écria la brave femme. »

Mais les fillettes étaient reparties aussi vite qu’elles étaient venues, poursuivies par les gros rires des domestiques, auxquels la cuisinière avait passé les fameuses listes.

Cependant, tout le monde était prêt. Le grand landau était là, attelé de deux magnifiques chevaux qui piaffaient ; le cocher, sur son siège, n’attendait qu’un signe pour partir. Geneviève postulait pour monter à côté de lui et avoir l’honneur de tenir les guides pendant les montées. M. Maranday, tout souriant, avait sur les épaules le plaid dont il avait l’habitude de s’envelopper, et, sur la tête, son éternel feutre noir à larges bords. Il faisait diverses recommandations à son secrétaire, et jetait souvent les yeux sur une certaine fenêtre de l’aile sud, dont les rideaux s’agitaient visiblement, comme Valentine ne manqua pas de l’observer. Mlle Favières semblait rajeunie dans son costume de promenade, sous sa grande ombrelle blanche. Chacun jouissait déjà du plaisir de courir les bois par une belle journée du mois d’août.

Les fillettes ne tenaient pas en place. Elles dansaient, sautaient, riaient, parlaient toutes à la fois, et se groupaient autour de la voiture, comme si elles eussent voulu la prendre d’assaut. Les oiseaux gazouillaient dans les arbres du parc ; les volubilis commençaient à ouvrir leurs grandes coupoles renversées, rouges et bleues ; le parfum des roses et du réséda des corbeilles placées autour du perron embaumait le jardin. Valentine courut