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UN PIQUE-NIQUE

— C’est probablement pour cela qu’on emmène un peu loin les jeunes demoiselles, dit le cocher.

— Le reverrons-nous jamais comme autrefois ? reprit la cuisinière ; cela me serre le cœur de voir ces petites filles si vives et si gaies lorsque lui est enfermé depuis plus d’un an.

— Chut ! les voici. Que désirez-vous, Mesdemoiselles ? vous auriez dû nous sonner, au lieu de vous déranger.

— C’était bien plus amusant de venir ici, répondit Geneviève, en admiration devant les casseroles de cuivre, brillantes comme de l’or, et les carreaux fraîchement récurés. Votre cuisine est aussi belle qu’un salon, Madame la cuisinière.

— Vous trouvez ? s’écria celle-ci très flattée.

— Et votre crème d’hier soir était délicieuse, ajouta la gourmande petite Charlotte en se léchant les lèvres comme un petit chat friand.

— On vous en refera, mignonne. Voyons, que voulez-vous, mes bijoux ?

— Nous venons vous apporter la liste des choses qu’il nous faut pour faire notre déjeuner, lui répondit Geneviève. Surtout, lisez tout bas, c’est un secret.

En effet, les petites filles tenaient chacune un papier à la main, et Charlotte avait mission de remettre sans le déplier, celui de Marie-Antoinette.

La grosse cuisinière jeta les yeux sur les deux premières notes et sourit. À la troisième, elle partit d’un éclat de lire, qui augmenta à la quatrième, et devint convulsif à la cinquième.

— Ne vous moquez pas de nous, lui dit Geneviève très sérieuse, il n’y a pas de quoi rire.

— Oh ! si vous saviez, Mademoiselle, ah ! ah ! ah !