Page:Lermont - Les cinq nièces de l'oncle Barbe-Bleue, 1892.pdf/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
BARBE-BLEUE

» Pourquoi le cache-t-on ?

» Autant de questions que je me pose tout le temps, mais quant à douter qu’il y eût un enfant, pour cela non !…

» Je pense au Masque de Fer, à Gaspard Hauser : l’Oncle est si bizarre ! Il a peut-être voulu faire des expériences sur un enfant. Pour moi, il est une chose sûre et certaine : on tient un petit garçon enfermé dans le corps de logis où il nous est défendu d’aller. Il faut que je sache qui il est. Il faut que je trouve moyen de communiquer avec lui… »

Jeudi matin.

» Encore une nouvelle découverte.

» Je ne suis pas aveugle. Je suis certaine de ce que je dis. J’ai vu, de mes yeux vu, une petite main blanche derrière le volet de cette chambre qui m’intrigue tant. C’est un prisonnier !… Peut-être un esclave ?… Mon oncle a pris au Brésil des habitudes que nous ne connaissons pas en France ; il a peut-être infligé à ce petit garçon une punition exemplaire pour un méfait qui nous paraîtrait insignifiant, à nous autres Européens. Je ne sais comment expliquer cela, mais je suis pleine de compassion pour cet enfant, et je ne puis me le représenter coupable. Je ne veux pas non plus accuser mon oncle qui a toujours été si bon pour moi, aussi je m’y perds… »

» Jeudi soir.

» Je suis allée déposer un bouquet de roses sur l’appui de la fenêtre. J’ai désobéi, puisque nous n’avons pas la permission d’aller de ce côté, mais il me semblait que cela ferait du bien au prisonnier. Oh ! que je le plains de vivre enfermé ! nous avons un temps splendide, ce doit être si triste de rester dans une chambre close quand les arbres sont si frais, les fleurs si parfumées, le ciel si bleu et l’air si pur.