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L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Bah ! répondit la jeune fille, nous trouverons toujours des gens à qui cela ira, on ne fait pas autrement dans les magasins de nouveautés. »

Élisabeth, très prudente, avait acheté du madapolam pour de la lingerie. Sa sœur avait pris de quoi confectionner deux petites robes, l’une en laine pour l’hiver, l’autre en tissu plus léger, et enfin, Valentine avait demandé dans tous les magasins où on était entré, des coupons d’indienne très bon marché, mais généralement de couleurs claires.

« Qu’en veut-elle faire ? » se disaient ses compagnes entre elles. « Fi ! l’avare ! elle prend toujours tout ce qu’il y a de meilleur marché !… »

Mlle Favières, qu’elle avait instruite de ses projets, souriait bénévolement. Un peu plus tard, ces demoiselles découvrirent que Valentine pouvait bien avoir eu raison dans son choix. Chacun de ses coupons se transforma rapidement en petits tabliers de toutes tailles, faciles et amusants à coudre, terminés en quelques heures, et parfaits pour cacher une vieille robe. Alors, tandis que les autres fillettes gémissaient sur un ouvrage « qui n’avançait pas », un corsage difficile à ajuster ou du lingue uni, peu intéressant, Valentine étalait avec une petite satisfaction d’amour-propre ses tabliers si simples et si coquets.

Ce beau zèle de couture dura bien toute une semaine ; puis il se ralentit, et, sauf pour Valentine et Élisabeth qui étaient très fidèles à tout ce qu’elles entreprenaient, on ne vit plus apparaître qu’à de très rares intervalles les grands travaux de couture entrepris avec tant d’ardeur. Il me souvient même que le jardinier trouva à deux reprises, dans le jardin, les petites robes commencées par Geneviève, et comme, chaque fois, il avait plu