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L’ONCLE BARBE-BLEUE

consentement tant désiré et de ne pas risquer de tout compromettre, en s’y prenant à contre-temps.

« Soyons opportunistes, avait dit la fillette — d’un air grave à mourir de rire — préparons notre terrain, et apprêtons, sans en parler à personne, tout ce qu’il nous sera possible de faire seules. Il faut que, pour la comédie, par exemple, une fois la permission obtenue, on puisse fixer séance tenante la date de la représentation. Comment l’Oncle pourrait-il nous refuser, quand, à toutes ses objections, nous répondrons : nous sommes prêtes, nos costumes même le sont… »

On se livrait à des recherches interminables dans la partie de la bibliothèque réservée aux enfants. Ce n’était pas facile de faire un choix parmi les petites pièces à l’usage des jeunes personnes. Pas une de celles que trouvaient les cinq cousines n’avait le don de leur plaire. Il fallait réunir tant de conditions, pensez-donc !

Cette comédie ne devait être ni trop longue, ni trop courte ; ni trop sérieuse, ni trop « classique », ni surtout trop enfantine. Les berquinades sont passées de mode ! Cinq rôles de « femmes » étaient nécessaires. Mais quels rôles ! À l’exception de Valentine, qui se déclara prête à accepter n’importe lequel, ou même à ne pas jouer du tout, si le chef-d’œuvre tant cherché ne comportait que quatre personnages, chacune voulait être au premier plan, et aucune n’acceptait un caractère antipathique. Geneviève proposa comme ressource suprême de se déguiser en homme. Mais rien ne semblait convenir aux jeunes lectrices, devenues de féroces critiques.

« Pourquoi fait-on parler ainsi les petites filles ? s’écria un jour Charlotte impatientée, ce n’est pas là notre manière de causer ni d’agir. On nous fait plus bébêtes que nature ! »