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» Silence ! jusqu’au lever de l’aurore, je vais dormir ; et vous, dormez aussi… voyez : la lune se lève… Mais… avez-vous l’air tristes !… Ah ! je comprends ce que c’est : pas un n’aura pu venir à bout de joindre sa Nymphe…

» Ingénus d’Ægipans ! si c’est là votre peine, vous l’êtes plus, ingénus, que le plus humble des êtres ; puisque le bonheur vous rend tristes, certainement rirez-vous quand la douleur viendra.

» Tristes, pour avoir vu s’enfuir ces Nymphes liliales ?… Ægipans, vous êtes des enfants ! Si désirer c’est doux, posséder c’est amer ; bienheureux qui désire ! infortuné qui tient !

» Vous vous imaginez que je veux rire ? Écoutez :

» Hier, vers la

tombée du soir, en m’éveillant, j’aperçois, tout auprès de moi, Syrinx, fleur élyséenne, la plus belle des nymphes ! Ses cheveux sans pareils jetaient des feux d’étoile, et c’étaient sur sa chair (il y a de la neige qui brûle !) les glaciers de l’Ida qui couraient, le lait d’Amalthée qui coulait… Mais tout à coup la nymphe me voit… et toute craintive, et de sa crinière lumineuse voilant sa nudité, s’enfuit !… Je me mets, affolé d’amour, à sa poursuite, je cours, j’appelle, j’implore, mes regards flamboient ; et, demandant à Jupiter les talonnières ailées d’Hermès, me blessant aux chardons, broyant les fleurs inermes, transporté d’une passion qu’avive la résistance, comme un dard, je vole sur les traces de la belle Nymphe.

» Bien longtemps, je courus ainsi sans l’attraper ! Tout en sueur, exténué, sans parole, sans espoir je m’arrêtais déjà, lorsque toujours, toujours fuyante, dans une petite cédraie je l’aperçois enfin… Avec une vigueur redoublée, je persiste dans ma poursuite, et de Syrinx, vaincue par la fatigue, de plus en plus, de plus en plus je me rapproche ! Des ailes, mes pieds en ont cette fois ; je me rue, tout tremblant d’amour, par les chênaies, je vais la saisir, je la tiens !… mais alors, la Nymphe blonde et blanche, impuissante, réduite à subir la pluie lascive de mes baisers, n’a plus été, bientôt, qu’une touffe de roseaux verts !

» Ce fut là que je coupai celui dont j’ai fait, les larmes aux yeux, cette flûte rustique, où je pleure Syrinx…

» Ægipans, voilà bien

l’histoire qu’il vous faudra graver au fond de votre souvenir :