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LE MANOIR DE VILLERAI

excessivement difficiles, se tenaient en groupe auprès d’une des portes, critiquant et commentant tout de la manière la moins flatteuse. Plusieurs des charmantes figures qu’ils voyaient autour d’eux auraient pu lutter avantageusement avec les beautés les plus renommées de la cour ; cependant ces jeunes gentilhommes ne trouvaient rien à admirer, et les mots : pas de goût, pas de manières, étaient continuellement dans leur bouche. Puis ils établissaient des comparaisons désavantageuses entre les belles canadiennes et quelque comtesse À **, ou duchesse de B **, que ces jeunes aristocrates avaient vues et admirées en France.

L’un d’entre eux surpassait tous les autres en insolence et en suprême vanité ; c’était Gaston de Noraye ; et comme il examinait tranquillement, le lorgnon à l’œil, les personnes qui étaient dans la salle, il fit connaître son intention arrêtée de ne pas danser ce soir-là, parce qu’en vérité il ne voyait pas de partenaire convenable. Il avait à peine prononcé ces mots, que Blanche de Villerai, mise avec une élégante simplicité, mais paraissant aussi noble et aussi gracieuse qu’une jeune reine, fit son entrée dans la salle.

— Ah ! voilà réellement de la beauté et du goût ! Qui est-elle donc ? s’écrièrent vivement les membres du groupe ; mais de Noraye, sans prendre le temps de leur répondre, les quitta immédiatement, et un instant après il était auprès de Blanche, demandant instamment sa main pour la prochaine danse. Elle répondit avec une grande dignité, qui ne déconcerta nullement Gaston, qu’elle était déjà engagée.

— Mademoiselle alors me favorisera-t-elle d’une promesse pour la seconde danse ?

Elle répondit affirmativement, et à peine l’eut-il quittée, que de Montarville vint la trouver, et bientôt Blanche et lui étaient à danser ensemble.

Les louanges que lui adressa le groupe que de Noraye vint immédiatement rejoindre furent unanimes ; et même cette froideur de manières et de regards, cet air de fière noblesse qui, suivant quelques-uns, rendaient mademoiselle de Villerai d’un accès difficile, formaient à leurs yeux son plus grand charme, surtout comme il était uni à une extrême jeunesse. Ensuite son titre de riche héritière et les nobles ancêtres de sa famille, ajoutaient encore à ses qualités, et