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LE MANOIR DE VILLERAI

et plus paisible ; cependant, plusieurs citoyens riches, par goût ou par vanité, conservèrent l’ancien esprit de plaisir et l’habitude de la dissipation.

Les beaux officiers du régiment de Roussillon, auquel appartenait de Montarville étaient les habitués favoris des salons ; lui-même passait pour l’un des plus aimables cavaliers. Invité partout, pressé par la raillerie et les sollicitations de ses amis, d’accepter les invitations qu’on lui prodiguait de toutes parts ; il aurait pu faire trembler pour sa fidélité un cœur plus fier encore que celui de Blanche de Villerai. C’eût été sans raison ; car ni les brillantes et spirituelles filles des riches citoyens qui faisaient si bien l’hospitalité de leurs demeures ; ni les élégantes demoiselles de la vieille noblesse, dont les noms portés par les branches aînées brillaient alors dans les cours, dans les cabinets, sur les champs de bataille de l’Europe, n’eurent le pouvoir de faire oublier au cœur de Gustave le petit village de Villerai et ceux qu’il contenait.

Un soir, il y avait un grand bal au vieux château, résidence temporaire du marquis de Vaudreuil, devenue depuis l’école normale Jacques Cartier. Cette simple bâtisse, d’un extérieur fort humble, est cependant riche en souvenirs précieux pour celui qui étudie l’histoire du Canada ; et quoiqu’elle n’ait ni tours, ni bastions, ni fortifications, pas même une meurtrière pour pointer un canon, on jouit cependant de ses fenêtres, sur le côté est, d’une vue aussi magnifique que le talent d’un peintre en pourrait imaginer. L’île Ste-Hélène avec ses sombres ombrages, semble reposer pendant l’été sur les vagues à la couleur de saphir du St-Laurent, tandis qu’au loin, à l’est, apparaissent des plaines de verdure et de hautes montagnes qui se détachent sur un ciel limpide[1].

Ce château fut construit par Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal, vers le commencement du dix-huitième siècle, et il réunit dans ses murs, à différentes périodes de sa longue durée, les plus illustres personnages et les officiers les plus distingués de la colonie. Les expéditions du Nord-Ouest, les conseils de guerre, les conférences avec les sau-

  1. M. l’abbé Verreau