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LE MANOIR DE VILLERAI

bonheur, Rose, et imposer en même temps silence aux méchants cancans que l’on répandra sur votre compte, si vous épousiez un jeune homme respectable de votre rang ?

— Mais qui voudrait de moi maintenant, monsieur, après tout ce qui s’est passé ? demanda sérieusement la jeune fille en baissant les yeux.

Un sourire passa sur la figure du prêtre, comme s’il eût un peu douté de l’apparente humilité de la jeune fille ; lui surtout qui savait comment elle avait toujours refusé les prétendants qui s’étaient présentés. Il reprit avec gravité :

— Il n’en est pas ainsi, ma fille. Ce matin même, André Lebrun, en m’informant de votre aventure d’hier, ajouta que la seule manière convenable de vous garder des assiduités du jeune officier serait de vous marier avec un bon habitant. Il s’offrit généreusement lui-même, et me pria d’user de mon influence auprès de vous pour obtenir votre assentiment.

La figure de Rose prit un air très boudeur, et elle répondit avec fermeté :

— Jamais ! jamais ! M. le curé ! Veuillez dire à M. André Lebrun que je ne l’épouserai jamais ; ni lui, ajouta-t-elle mentalement, ni aucun autre.

— Assez, mon enfant ; je ne vous presserai pas davantage. Le ciel dans le temps arrangera tout pour le mieux. C’est un lourd fardeau que celui dont vous venez de vous charger. Puissiez-vous avoir la force de le porter dignement !

Plein d’une vive émotion, le bon prêtre lui dit adieu, et la vit partir avec le secret qui devait lui apporter de si longues heures de tristesse, et causer tant d’amertume à son jeune cœur.

En arrivant au manoir, elle trouva les dames absentes, mais Fanchette lui dit de revenir le lendemain, et qu’elle les trouverait alors à la maison.

Avec le pressentiment d’un prochain chagrin, Rose entra timidement, le jour suivant, dans le salon où madame Dumont et sa nièce étaient assises. La réception qu’on lui fit justifia pleinement ses frayeurs, car aussitôt qu’elle fut entrée, madame Dumont lui dit avec sévérité :

— J’ai quelque chose à vous communiquer, Rose Lauzon, et quelque chose qui me peine beaucoup.

En même temps, Blanche qui avait toujours coutume de