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LE MANOIR DE VILLERAI

— Jamais ? demanda-t-il avec anxiété.

— Jamais ! fut la réponse ferme et claire. Je promets de la manière la plus solennelle de ne jamais changer de nom.

Cette exquise délicatesse innée chez des natures privilégiées avait-elle inspiré à cette simple enfant de la campagne, que la promesse qu’elle venait de faire si solennellement, était la seule qui pût calmer l’esprit agité de de Montarville ? Il est certain qu’une expression plus calme se répandit sur les traits de celui-ci, et quand enfin elle le pria de s’en retourner chez madame Dumont et de dire qu’elle serait au manoir dans l’après-midi, il pressa sa main sur ses lèvres et quitta aussitôt la maison.

Longtemps la jeune fille demeura à la fenêtre, le suivant du regard, tandis que sur sa figure brillait une expression de doux triomphe. Elle s’éloigna enfin de la fenêtre, en murmurant : Oh ! c’est trop de bonheur, c’est vraiment une illusion ; lui, il m’a aimée, il m’a demandée pour être sa femme ! Noble et chevaleresque de Montarville, je vous ai fait une promesse qui seule pouvait égaler votre amour et votre générosité. Moi, me marier ! Oh ! non, jamais ! Même quand il sera l’heureux époux de mademoiselle de Villerai, peut-être habitant une autre contrée, le souvenir de cette glorieuse journée sera pour moi un talisman, et m’aidera à supporter les misères et les tristesses que me réserve l’avenir !


X


Le lieutenant de Montarville revint lentement au manoir, en pensant à la triste scène qu’il venait de voir. Au moment même où il se décidait à obéir aux conseils de Rose, et à réparer sa froideur passée auprès de mademoiselle de Villerai par plus de tendresse et d’affection, il ne pouvait s’empêcher de voir toujours dans son âme l’image de la jeune fille abîmée de douleur. Et au moment où il prenait la résolution de ne plus penser à Rose, il sentait bien qu’elle lui était plus chère que jamais. Une profonde admiration de la noblesse de caractère qu’elle venait de montrer ;