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LE MANOIR DE VILLERAI

— Oh ! M. de Montarville ! s’écria tristement la jeune fille, les yeux remplis de larmes ; voyez ce que vous avez fait ! Que dira, que pensera de moi M. le curé ?

— Comment, Rose ? mais c’est de l’enfantillage, cela, reprit vivement Gustave, irrité contre le bon curé, qu’il regardait comme la seule cause de son chagrin. J’irai moi-même au presbytère, de suite, et je lui expliquerai tout, si vous le désirez ; mais je dois avouer que si cette bagatelle peut vous faire tort dans l’estime de M. Lapointe, je suis réellement étonné de l’étroitesse de son esprit.

— Oh ! je ne vous demande rien, sinon que vous me quittiez tout de suite, reprit-elle tout agitée.

— C’est bien, Rose ; mais assurez-moi d’abord que vous me pardonnez franchement le trouble et la peine que je viens de vous causer. Pour preuve, donnez-moi la main et dites-moi adieu, car je quitte Villerai demain. Si, comme le pauvre Ménard, je succombe pendant la guerre, je sais que votre bon cœur vous inspirera un souvenir pour moi dans vos prières, comme vous avez fait pour lui.

Avec une vive émotion Rose plaça sa petite main dans celle de Gustave, qui, cédant à l’impulsion du moment, la pressa affectueusement sur ses lèvres. Avant qu’elle eût le temps de le prévenir, il était déjà loin, se précipitant à travers la neige profonde aussi rapidement que si une fortune eût dépendu de la vitesse de sa marche.

Tout à coup il s’arrêta en s’écriant :

— Suis-je donc insensé pour en agir ainsi ? Pourquoi, pourquoi n’ai-je pas tout d’abord rencontré cette créature angélique ? ou plutôt, pourquoi suis-je lié à une autre par des liens d’honneur aussi forts ?


IX


Le soir du jour où eut lieu cette rencontre, de Montarville parut plus préoccupé que ne l’avait encore vu sa fiancée. Son regard inquiet, et l’agitation que l’on remarquait dans ses gestes et ses manières, disaient clairement qu’il était sous l’influence d’une très forte émotion. Madame Dumont, sincèrement convaincue que la prochaine séparation de