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LE MANOIR DE VILLERAI

de plus en plus bas, et enfin, avec un craquement que répétèrent tous les échos de la forêt, il se précipita à terre, en écrasant tout dans sa chute.

Après quelques instants d’attente, la troupe revint sur ses pas, se défiant les uns les autres à une course à travers les champs. Ensuite elle s’arrêta un instant pour respirer, et les hommes s’exercèrent à sauter. Le vicomte de Noraye, qui ne pouvait jamais rester en arrière des autres, s’avança pour prouver son savoir-faire, et d’un bond vigoureux s’élança en avant ; mais, comme il partait, ses deux raquettes se prirent l’une dans l’autre, et il tomba dans un profond banc de neige avec une impétuosité telle que sa tête et ses épaules disparurent complètement. Il est inutile de dire que l’accident fut accueilli avec des éclats de rire inextinguibles, et pendant longtemps l’hilarité générale fut telle que personne ne songea à lui porter la moindre assistance. Bientôt, cependant, de Montarville vint au secours du vicomte et le tira de sa couche de neige ; mais comme il lui était encore entièrement impossible de réprimer son rire, il pardonna volontiers les imprécations nombreuses dont le vaillant Français accablait tout le monde et toutes les choses.

Après une heure d’agréable promenade, toute la troupe revint au manoir dans les meilleures dispositions du monde et avec des appétits magnifiques, comme disait Gustave. De Noraye se consola de sa malencontreuse aventure pendant l’expédition, en jurant que, comme c’était la première fois qu’il prenait part à cet amusement insensé et barbare de la raquette, ce serait aussi la dernière ; et il tint fidèlement parole.


IV


Nous devons maintenant prier le bienveillant lecteur de quitter pour un moment l’agréable manoir, afin d’entrer avec nous dans la simple demeure de Joseph Lauzon, le père de notre jolie petite Rose.

Lauzon était un habitant à l’aise, dont la maison de pierre, grossière mais solide, avec des dépendances bien