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LE MANOIR DE VILLERAI


CONCLUSION


C’était par un beau jour d’automne. L’été de la Saint-Martin, comme on l’appelle, avec ses teintes dorées et son atmosphère nuageuse, ajoutait un charme inexprimable à la terre et à l’air, aux cieux et à l’eau.

Un navire français, les voiles tendues pour saisir la moindre brise, quittait le port de Québec. La charge qu’il portait était bien précieuse, car à son bord étaient plusieurs de ceux dont les noms fameux nous ont été transmis par l’histoire. Parmi eux l’on voyait le chevaleresque de Lévis, le colonel de Bourlamaque, et beaucoup d’autres d’une égale réputation et d’un égal courage.

Bien tristes et bien mornes étaient les regards qu’ils dirigeaient vers le cap Diamant, sur lequel flottait l’étendard de l’Angleterre, remplaçant le pavillon aux fleurs de lys qui avait si longtemps couronné ces majestueuses hauteurs.

Les uns détournaient leurs regards avec un soupir d’impatience, tandis que d’autres contemplaient amoureusement la magnifique contrée dont il fallait se séparer ; cette terre, le tombeau de tant de braves cœurs, de tant de belles espérances et de tant de nobles aspirations. Il y en avait aussi, peut-être, qui regrettaient moins la chute du Canada que leur séparation de quelque gracieuse jeune fille, devenue plus chère pendant leur séjour au milieu des neiges, que tout ce qu’ils avaient pu laisser sur la terre natale, où ils retournaient alors.

Sur la poupe du vaisseau, une femme était assise, et près d’elle on pouvait voir un militaire à la tournure martiale, contemplant sa merveilleuse beauté avec une tendresse pleine de dévouement, qui ne lui permettait pas de jeter un regard sur le pays dont il se séparait peut-être pour toujours.