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LE MANOIR DE VILLERAI

Les yeux du bon prêtre se remplirent de larmes et il répondit :

— Oui, ce doit être en effet un rude supplice ; cependant le Seigneur ne nous châtie que pour de justes raisons, et c’est souvent quand nous sommes sur le point de céder au désespoir, quand la coupe de notre misère déborde de toutes parts, que le soulagement et le secours doivent nous arriver. Il en est ainsi pour vous, madame Lauzon ; car regardez, voyez ce que la Providence vous envoie, justement à l’heure où votre avenir paraissait le plus sombre, et que votre courage allait faiblir ; et en même temps, il lui fit voir une bourse remplie de pièces d’or et d’argent.

La femme poussa un cri et se précipita vers le curé, n’osant toutefois accepter le bienfait, comme si elle eût redouté une erreur ou une moquerie.

— Prenez-la sans crainte, dit le prêtre, elle m’a été envoyée pour vous, et n’oubliez pas de remercier Dieu, ce soir, d’être venu si miséricordieusement à votre secours, quand votre foi et votre espérance allaient presque vous abandonner.

Comme plongée dans un rêve, elle reçut le présent, ouvrit timidement la bourse et en tira une petite pièce d’argent, comme si elle eût encore douté de son droit de toucher au trésor. Se voyant toutefois encouragée par le sourire du brave curé, elle mit la pièce d’argent dans la main de Jacques, en lui disant d’aller de suite au village et d’acheter des provisions. Cette bonne nouvelle causa une joie indicible parmi les enfants.

— Et maintenant, M. le curé, demanda la veuve avec un sourire de satisfaction que ses traits rongés par le chagrin n’avaient pas connu depuis longtemps, ne me direz-vous pas le nom du généreux bienfaiteur qui est venu à notre secours d’une manière si inattendue ? Vous avez été bien bon et bien charitable pour nous depuis le jour où cette maison a d’abord connu la misère ; pourtant, je sais que ce don ne peut venir de vous, car cette bourse, dit-elle en la soupesant doucement, contient plus d’argent que le presbytère n’en a jamais eu à la fois. Qui donc en est le donateur ?

— Vous saurez tout cela en temps et lieu ; ainsi prenez patience. Mais parlons d’autre chose maintenant. N’avez-