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LE MANOIR DE VILLERAI

aucun doute vous fera autant de plaisir qu’elle paraît causer de mécontentement à d’autres personnes ; mais vous pouvez en croire ma formelle assurance, avant quinze jours notre chère Rose aura changé son nom pour celui de de Montarville, et se sera probablement embarquée pour la France avec le meilleur et le plus aimant des maris.

Cette nouvelle était trop inattendue pour Pauline ; aussi, avec une vive exclamation, elle sortit brusquement de la chambre, remplie de colère et de sentiments de jalousie.

Madame de Rochon félicita la jeune fiancée et l’embrassa tendrement ; puis, quand les deux jeunes filles lui eurent communiqué toutes les particularités de l’affaire et eurent pris congé d’elle, elle se hâta d’aller rejoindre Pauline, pour la consoler de ce désappointement, qui ne devait pas manquer de causer une peine profonde à cette nature fantasque mais ardente.

Elle la trouva devant un miroir, nouant tranquillement les élégantes attaches de son chapeau ; mais la profonde pâleur de ses joues et de ses lèvres et l’éclat inaccoutumé de ses yeux contredisaient singulièrement ce calme forcé.

— Pars-tu déjà, Pauline ?

— Oui, fit celle-ci en souriant amèrement. Je sais qu’il doit y avoir des cavaliers dévoués qui m’attendent chez nous ; et je dois me hâter de m’en retourner, car je ne voudrais pas qu’ils devinssent aussi inconstants que le volage amant de Blanche de Villerai. Oh ! ajouta-t-elle avec un sourire sarcastique, cela passe toute croyance. Eût-il épousé Blanche ou quelque autre personne égale en rang et en naissance, cela aurait été supportable, mais cette misérable petite parvenue !…

Sensible et pleine de pitié, madame de Rochon attira sa nièce à elle et l’embrassa affectueusement ; mais cette dernière subit cette caresse sans la rendre et partit aussitôt.

Arrivée chez elle, Pauline apprit par sa servante que le vicomte de Noraye l’attendait dans le salon. Elle adoucit l’air troublé de sa figure et entra dans le riche appartement, toute souriante et résolue de faire un mariage d’intérêt, puisqu’elle ne pouvait en faire un d’amour. Mais, hélas ! cinq minutes dans la compagnie de l’élégant fat avec qui elle s’était longtemps amusée, la convainquirent pleinement