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LE MANOIR DE VILLERAI

— Quoi ! allez-vous vraiment me l’enlever, la garder auprès de vous ? demanda madame de Rochon avec tristesse. Oui, je pensais bien que cela arriverait tôt ou tard ; mais comme vous l’avez connue et protégée longtemps avant moi, vous avez, sans aucun doute, des droits antérieurs à son affection et à sa reconnaissance.

— Ah ! chère madame de Rochon, s’écria Rose en portant à ses lèvres la main de cette dernière, quels que soient les changements que le temps ou la fortune puisse m’apporter, quels que soit la patrie ou le rang que l’avenir me réserve, jamais, non, jamais je n’oublierai tout ce que je vous dois, à vous qui m’avez accueillie, qui m’avez crue, qui m’avez protégée, quand le monde, les apparences et même mon propre silence étaient contre moi.

Mademoiselle de Nevers, remarquant ici que sa robe était en contact avec celle de Rose, pendant que celle-ci s’était inclinée, pour baiser la main de Mme de Rochon, en réunit avec hauteur tous les plis flottant autour d’elle, comme si ce contact eût été une souillure, et jeta sur la protégée de sa tante un regard de dédain qui irrita Blanche encore plus que celui qu’elle avait saisi peu de temps auparavant à propos d’une autre sujet. Mais Blanche avait sous la main une prompte et sûre vengeance, et elle résolut d’en profiter immédiatement.

S’adressant à madame de Rochon avec un sourire significatif :

— Pour achever, ce n’est pas chez moi que cette petite ingrate se propose d’établir sa résidence ; mais sans doute, supportant impatiemment le joug étranger dont vient de parler mademoiselle de Nevers, elle a décidé de se rendre aux prières de de Montarville et de l’accompagner en France, pour être sa femme chérie.

Mademoiselle de Nevers se leva brusquement de son siège, sa joue devint d’une pâleur de mort, mais se rasseyant presque immédiatement.

— Vous plaisantez avec grâce, ce matin, mais non avec vérité, s’écria-t-elle.

— Je ne pense pas qu’on ait jamais eu occasion de m’accuser de dissimulation, répondit froidement la jeune héritière. Oui, chère madame de Rochon, cette nouvelle sans