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LE MANOIR DE VILLERAI

trouvera jamais la paix ni le contentement, à moins qu’il ne vienne à la seule source du bonheur.

— Écoutez-donc, ma tante, j’entends des voix en bas, interrompit Pauline, satisfaite de changer la tournure religieuse que prenait la conversation. Voici des visiteurs qui montent.

Un instant après, Mlle de Villerai entra dans le salon, accompagnée de Rose.

Mlle de Nevers ne daigna pas même jeter un regard sur cette dernière, mais elle reçut la jeune seigneuresse avec beaucoup de cordialité apparente, tout en examinant attentivement, mais en secret, les changements produits par la maladie dans cette beauté rare qu’elle avait une fois si amèrement enviée.

Mme de Rochon complimenta affectueusement les deux jeunes filles, et exprima sa surprise de voir Blanche sortir si tôt.

— C’est la première fois que l’on m’a permis de laisser la maison depuis ma maladie ; mais ma convalescence s’opère rapidement, et je serai en bien peu de temps aussi bien que jamais.

— Oh ! mademoiselle de Villerai, s’écria Pauline en souriant, très désireuse de savoir où en étaient les choses entre Blanche et son amant, je ne doute pas que vous ayez déjà vu ce matin un médecin bien puissant, dont une seule visite peut vous faire plus de bien que toutes les prescriptions et les tisanes du Dr Fournier. Je parle, comme de raison, du capitaine de Montarville.

— Je l’ai vu hier soir, répondit Blanche sèchement.

La physionomie de Mlle de Nevers se rembrunit légèrement. Un tel empressement de la part de Gustave augurait mal pour les désirs et les espérances secrètes de Pauline ; mais la promptitude de sa visite, pensa-t-elle, a pu être causée par la curiosité.

— Et comment était ce beau héros ? fit-elle négligemment.

— Sa santé était assez bonne, mais il était bien triste, bien abattu, comme doit l’être tout vrai Canadien aujourd’hui.

— Oh ! mon Dieu, oui !… fit Pauline en prenant une voix et un air tout de sentiment. Il est vraiment choquant de