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LE MANOIR DE VILLERAI

d’instances pour obtenir, mais aussi elles seraient plus efficaces.

— Oh ! quel malheur, pensa de Montarville, qu’une forme extérieure d’une aussi rare beauté ne renferme que l’intelligence ignorante d’une pauvre paysanne.

Et déjà, intérieurement, il pensait que tout le prestige de sa beauté serait dissipé par les accents d’un patois barbare, dont les bons habitants de Villerai devaient se servir pour exprimer leurs idées et leurs franches opinions. Il fut agréablement désappointé, quand la jeune fille répondit d’une voix douce et musicale, en bon français, à quelques remarques faites par mademoiselle de Villerai.

Elle était venue pour dire que madame Messier, la sœur du bon curé, qui, devenue veuve, demeurait avec lui et dirigeait l’intérieur de sa maison, était confinée dans sa chambre par un violent rhume, et désirait savoir si mademoiselle de Villerai consentirait à diriger Rose dans la décoration de l’église pour la messe de minuit.

Blanche exprima immédiatement son assentiment, et en même temps mit quelque argent dans la main de la messagère, afin d’acheter les objets nécessaires pour l’occasion. Le jeune de Montarville se leva aussitôt, et, demandant la permission de contribuer pour sa part à une aussi bonne œuvre, remit une pièce d’or à la jeune fille. Surprise, étonnée, elle leva sur lui ses yeux fascinateurs, mais les baissa aussitôt, tandis qu’une vive rougeur colorait sa joue. La profonde admiration peinte sur la figure du jeune lieutenant, ou peut-être la prévision d’une destinée future qui la frappa en ce moment, lui ôta toute contenance et toute fermeté, jusqu’à ne lui permettre que de prononcer une timide parole de remerciement et de s’échapper de la chambre.

— Est-ce que notre beauté villageoise, comme elle est appelée, ne mérite pas bien ce titre ? demanda Blanche.

— Sans aucun doute ; mais elle paraît être une personne tout à fait supérieure. Son langage et son accent sont presque aussi irréprochables que sa jolie et merveilleuse figure.

— Oui, et il y a chez elle un degré de délicatesse qu’on rencontre rarement chez les personnes de sa condition ; mais je puis en partie vous en expliquer la raison. Étant