Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
LE MANOIR DE VILLERAI

à son humeur et à ses pensées que l’éclat d’une lampe. Subitement des coups répétés se firent entendre au marteau de la porte.

Un instant après une servante vint annoncer le capitaine de Montarville. Le cœur de Blanche battit violemment ; mais, maîtrisant tout signe extérieur d’émotion, elle reprit avec calme :

— Faites-le entrer.

— Vais-je apporter de la lumière, mademoiselle ?

— Non, pas encore. Il ne fait pas assez noir. Heureuse que cette entrevue qu’elle attendait depuis longtemps, eût lieu sous le demi-jour favorable du crépuscule, elle se rejeta dans son fauteuil, s’efforçant de se préparer le mieux possible à cette rencontre.

On monta les escaliers d’un pas rapide, la porte s’ouvrit brusquement, et avant qu’elle eût le temps de se lever pour le recevoir, elle se trouva dans les bras de de Montarville. Jamais il n’avait osé prendre une telle liberté ; jamais il n’avait manifesté une telle ardeur et une telle affection ; mais Blanche trouva dans sa propre nature l’explication de cette conduite, et supposa justement que l’ardeur qu’il montrait lui était plutôt inspirée par la sympathie et la compassion pour sa dernière maladie et ses souffrances, que par l’amour.

Elle se dégagea doucement, et prononça quelques bonnes paroles de bienvenue.

— Oui, Blanche, s’écria-t-il avec une profonde émotion, vous m’avez dit une fois, en plaisantant, que je ne pourrais vous réclamer comme mon épouse que quand la guerre serait finie. Eh bien ! cette époque est arrivée ; non pas, hélas ! dans les circonstances que nous aimions alors à anticiper tous deux. Si vous le permettez, je requiers l’accomplissement immédiat de votre promesse.

— La guerre finie ! reprit-elle vivement, sans faire attention à ses dernières paroles. Voulez-vous dire qu’il ne reste plus d’espoir, qu’il n’y a plus de chance à attendre ?

— Aucune, aucune, fit-il tristement. Montréal a capitulé, et à ce moment même l’étendard de l’Angleterre flotte sur nos têtes.

— Hélas ! murmura-t-elle, en se couvrant la figure de