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LE MANOIR DE VILLERAI

dont la sûreté, elle le sentait trop bien maintenant, lui était infiniment plus chère que la sienne propre. Combien aussi elle avait de reconnaissance pour Blanche, qui mettait si généreusement de côté tous petits sentiments de jalousie, pour lui donner des nouvelles après lesquelles elle soupirait tant.

Vers cette époque, l’espoir et le courage des colons furent considérablement relevés par les brillants succès qu’obtint le brave chevalier de Lévis à la seconde bataille des Plaines d’Abraham (28 d’août 1760), qui eut pour résultat de forcer les Anglais à s’enfermer dans Québec. Les Français firent le siège de la ville, tout en attendant les secours qu’ils avaient si instamment demandés à la mère patrie.

Ces secours ne vinrent pas ; au contraire, le printemps suivant, une flotte anglaise remonta le St-Laurent, et de Lévis n’eut d’autre alternative que de lever le siège et de retraiter sur Montréal, ce qu’il fit sans être inquiété.

Depuis cet instant, la cause française fut perdue pour toujours en Canada.

Trois puissantes armées se dirigeaient maintenant sur Montréal ; l’une de Québec, sous le général Murray ; une autre du lac Champlain, commandée par le général Haviland, et une troisième, la plus considérable de toutes, d’Oswégo, sous le général Amherst. Quoique la descente par les rapides fût remplie de dangers, ce dernier choisit cette route, de manière à ne laisser aucun moyen de s’échapper aux Français, qui avaient parlé de retraiter, si cela devenait nécessaire, au Détroit, et de là, à la Louisiane. Dans les rapides des Cèdres, il perdit 64 barges et 88 hommes, mais il gagna enfin le village de Lachine, neuf milles au-dessus de Montréal. Il débarqua, et marcha sans délai sur la ville, autour de laquelle les deux autres armées étaient déjà campées, attendant son arrivée. Montréal se trouvait ainsi entourée de 17,000 hommes bien armés et possédant une puissante artillerie.

Montréal, bâti sur la côte sud de l’Île du même nom, entre le Mont-Royal et le majestueux St-Laurent, était alors entouré d’un simple mur en pierre de deux ou trois pieds d’épaisseur, élevé dans le but de protéger la ville contre les attaques des sauvages, et pouvant à peine résister