Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
LE MANOIR DE VILLERAI

que je porte à mademoiselle de Villerai, pour les bienfaits dont elle m’a autrefois comblée.

— Tous les cœurs ne sont pas aussi reconnaissants que le vôtre, Rose, répondit mademoiselle de St-Omer, et je commence à penser que j’ai trouvé en vous, non seulement une habile garde-malade qui m’aidera beaucoup dans ma pénible tâche, mais aussi une douce compagne avec laquelle je pourrai chaudement sympathiser, quoique vous soyez aussi jeune et jolie que je suis vieille et laide.

Rose exprima vivement par ses paroles et par ses regards la reconnaissance qu’elle ressentait pour la bonté de sa compagne ; et celle-ci était de plus en plus satisfaite du secours qui lui arrivait si à propos.

De quel pas léger Rose allait et venait dans la chambre de la malade ; avec quel art, quelle douceur elle disposait les oreillers, ou levait la tête de la jeune fille ; les bouillons délicieux, les gelées exquises qu’elle préparait, les breuvages rafraîchissants qu’elle inventait, paraissaient bien doux aux lèvres desséchées de la malade. Souvent mademoiselle de St-Omer déclarait en toute sincérité de cœur, qu’elle était certaine de la vraie vocation de Rose était d’être sœur de l’Hôtel-Dieu, tant elle paraissait habile à veiller et à prendre soin des malades.

Quelques jours après son arrivée, elle occupait son poste ordinaire auprès du chevet de Blanche, quand, regardant la malade, elle vit que ses yeux étaient attentivement fixés sur elle.

— Est-ce bien là Rose Lauzon ? demanda enfin Blanche.

— Oui, ma chère demoiselle de Villerai, répondit Rose avec hésitation ; car se rappelant les circonstances dans lesquelles la jeune seigneuresse et elle s’étaient séparées la dernière fois, elle se sentait à la fois inquiète et incertaine sur la manière dont elle serait reçue.

— Et qu’est-ce qui vous amène ici, Rose ? demanda-t-elle tranquillement.

— L’amitié et la reconnaissance, ma chère jeune demoiselle. Je suis venue vous assister dans votre maladie.

— Maladie ! oui, j’ai été bien malade, et je me sens encore étrangement faible. Ah ! je me rappelle tout maintenant. Cet affreux cadavre, et ensuite les terribles souffran-