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LE MANOIR DE VILLERAI

Blanche de Villerai, qui a été la reine de tous les bals et de toutes les réunions où elle a paru, pour une insignifiante petite fille, à moins que celle-ci ne l’eût d’abord attiré par la plus artificieuse coquetterie ? Non, cette idée est ridicule ; et Rose, probablement, reprend son ancienne conduite. Elle va essayer de faire à votre nièce ce qu’elle a fait à la mienne ; car on dit que le vicomte de Noraye, la dernière conquête de Rose, était autrefois l’un des admirateurs les plus dévoués de mademoiselle de Nevers.

— Oh ! je suis capable de garder mes amants, fit la belle Pauline avec un air de mépris. Il m’est impossible de trouver une rivale chez elle.

— Et pourtant, ma jeune demoiselle, reprit madame Dumont, qui crut que cette remarque s’adressait indirectement à sa propre nièce, je ne pense pas que les deux gentilshommes aussi vaillants qu’inconstants dont vous venez de parier, risqueraient demain leur vie en duel pour vous aussi volontiers qu’ils l’ont fait pour elle aujourd’hui.

— Il est absurde de raisonner sur ce point, reprit froidement mademoiselle de Nevers. Ce n’est pas pour en faire leur femme qu’ils recherchent la servante de ma tante.

— Rose, vous feriez mieux d’aller dans votre chambre, interrompit vivement madame de Rochon. Quand ces dames seront parties, je discuterai la question avec vous. Et maintenant, madame Dumont, continua-t-elle, en tournant le dos à sa nièce, maintenant que nous sommes seules, aurez-vous la bonté de me raconter tous les détails de ce regrettable événement ?

— La connaissance que j’ai de cette affaire est bien imparfaite. Je sais seulement qu’un certain nombre d’officiers se tenaient au coin de la rue Notre-Dame, quand la jeune fille Rose Lauzon passa près d’eux. Le vicomte de Noraye fit quelques remarques peu flatteuses sur son honnêteté, et là-dessus, le bouillant de Montarville, qui se trouvait à côté de lui, l’apostropha brusquement en l’appelant lâche et menteur. De telles paroles parmi les hommes ne se pardonnent jamais. Aussi, ils se rencontrèrent ce matin et risquèrent leur vie pour une cause vraiment bien indigne de leur courage. Il ne me reste plus maintenant qu’à vous demander, ma chère madame de Rochon, quelle