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LE MANOIR DE VILLERAI

que cette dame entretenait. Rose était pâle et indisposée, et ses doigts travaillaient avec une nonchalance tout à fait inaccoutumée.

Pauvre Rose ! son sacrifice avait été noblement, généreusement accompli ; mais le souvenir commençait à ronger son cœur. Le profond dévouement que de Montarville lui avait montré pendant leur dernière entrevue, avait doublé son amour ; et même tandis qu’elle s’efforçait de se fortifier davantage dans la résolution qu’elle avait prise de ne jamais le revoir, la blessure infligée par cette seule pensée surpassait en amertume les plus violents chagrins qu’elle avait pu éprouver pendant sa vie.

Le bruit d’une voiture qui s’arrêta à la porte d’entrée, rompit le silence qui régnait dans la chambre, et madame de Rochon s’écria :

— Qui peut venir à une heure aussi avancée ? Il est presque temps de souper.

— Peut-être mademoiselle de Nevers ? hasarda Rose.

— Oui, ce doit être Pauline.

Un moment après, la porte s’ouvrit lentement, et à la profonde stupéfaction de Rose, Pauline entra, accompagnée de madame Dumont. Rose hasarda un salut timide, mais la dame n’y fit aucune attention ; elle la regarda seulement en passant, avec une froide sévérité.

— Ma tante de Rochon, madame Dumont, fit Pauline en remplissant la cérémonie de la présentation.

Les deux dames échangèrent quelques paroles d’amitié, se rappelant qu’elles s’étaient connues anciennement ; qu’elles avaient toujours conservé de cette rencontre le plus doux souvenir, quoique la vie retirée qu’elles menaient toutes deux depuis leur veuvage, les eût empêchées de continuer des relations qui n’auraient pu manquer d’être très agréables.

Madame de Rochon, cependant, quoique trop polie pour le faire voir, était en réalité excessivement surprise de cette visite inopinée ; et elle attendit patiemment qu’on lui en fît connaître le motif. Elle n’attendit pas longtemps, car Pauline, la figure animée et un sourire cruel sur les lèvres, s’écria bientôt.

— Votre demeure, ou plutôt un de ses hôtes commence à ac-