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LE MANOIR DE VILLERAI

peaux se levèrent en même temps, et elle fut saluée avec la plus chevaleresque galanterie.

Deux d’entre eux allèrent aussitôt la trouver, le fascinateur Decoste, chercheur de dots autant que chevalier des dames, et le jeune Duplessis, dont la figure rougissante et l’air embarrassé prouvaient qu’il était du moins sincère dans ses protestations de dévouement ; et, ainsi escortée, la séduisante Pauline continua gaiement son chemin.

Pendant quelque temps encore, ce groupe d’oisifs continua son train de badinage, quand le capitaine de Cournoyer s’écria vivement :

— Parlez de jolies filles ! voici venir la plus belle que j’aie vue de ma vie !

Tous les yeux se tournèrent immédiatement dans la direction indiquée par le capitaine, et un murmure universel d’admiration s’éleva, quand Rose Lauzon passa rapidement, en traversant la rue pour éviter de s’approcher davantage du joyeux groupe, qui occupait l’angle du pavé. Involontairement elle jeta sur eux un regard rapide, en changeant un peu la direction de sa marche, et de Noraye, qui guettait l’occasion favorable, leva aussitôt son chapeau, avec une courtoisie plus remplie de moquerie que de respect.

— Comment ! vous la connaissez, de Noraye ? Quelle charmante créature ! Qui est-elle ? s’écria-t-on de tous côtés. Parlez donc, si vous pouvez.

— Un à la fois, messieurs, s’il vous plaît ! reprit-il avec son sourire sardonique. Oui, je la connais, et elle est certainement une très aimable enfant. Son prénom est Rose. Avec votre permission, je ne vous ferai pas connaître son autre nom.

Le sourire moqueur de de Noraye sembla comporter une signification cachée que ses paroles n’exprimaient pas pleinement ; mais ses compagnons connaissaient bien sa coutume invariable de se vanter ; aussi le capitaine des chasseurs reprit ironiquement :

— Bien, si vous la connaissez, de Noraye, elle ne paraît pas beaucoup s’occuper de vous, car elle n’a pas même daigné répondre à votre magnifique salut.

— Mais ne l’avez-vous pas vue rougir, mon cher ?

— Oh ! elle a rougi autant à cause de nous que de vous.