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LE MANOIR DE VILLERAI

de l’énergie et de l’activité, et montrait qu’il était capable de braver courageusement les difficultés et de les surmonter heureusement. Ses cheveux noirs se roulaient autour d’une belle tête, et tous ses traits étaient aussi irréprochables que ceux de Blanche elle-même. Des dents éclatantes de blancheur et des yeux noirs et brillants complétaient l’ensemble d’une physionomie que plus d’une beauté parisienne aurait trouvée irrésistible.

— Comment me trouvera-t-elle, et comment la trouverai-je ? se dit-il à lui-même, en faisant disparaître les derniers restes de neige qui étaient demeurés dans sa chevelure. Parole d’honneur, c’est une entrevue diablement embarrassante. Que j’ai hâte qu’elle soit finie ; mais, courage, il faut en passer par là.

Il venait à peine de s’asseoir que madame Dumont entra, accompagnée de sa nièce.

Si Gustave était gêné, sa fiancée ne l’était nullement ; car, à part d’une certaine réserve en donnant la main, réserve qu’il trouva tout à fait admirable, il n’y avait plus la moindre trace de la contrainte guindée de la jeune pensionnaire ; de sorte que, peu de temps après son entrée, il se trouva conversant avec une facilité et un sang-froid qui lui paraissaient impossibles un instant auparavant. On peut s’imaginer le nombre et la variété des sujets qu’ils traitèrent. Sa mauvaise fortune qui l’avait tenu au lit au moment où son régiment, le Royal Roussillon, avec d’autres, quittait la France pour le Canada, sous les ordres du vaillant marquis de Montcalm ; les succès brillants qui les avaient accompagnés à la prise des forts George, Frontenac et Oswégo ; et ses regrets amers d’avoir manqué d’aussi bonnes occasions d’acquérir la gloire militaire et la renommée si enviée par le soldat ; puis il parla de son genre de vie en France, des succès et des défaites de collège ; et, sujet plus intéressant, de l’état précaire du Canada, balançant entre la crainte du pouvoir envahisseur de l’Angleterre, et l’espoir du puissant secours de la France, espoir que la suite justifia si peu.

Gustave possédait à un degré remarquable cet ardent et généreux amour de la patrie qui convient si bien aux âmes jeunes et braves, et en réponse à quelques remarques