Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LE MANOIR DE VILLERAI

que la dame eût traversé la rue et eût disparu sous le portique de l’église paroissiale[1].

Il monta aussitôt rapidement l’escalier et fit retentir le lourd marteau.

— Mademoiselle Lauzon est-elle ici ? demanda-t-il avec une certaine hésitation à la servante qui vint lui ouvrir.

— Oui, monsieur, elle est en haut ; et les yeux noirs et ronds de la fille examinèrent avec curiosité l’extérieur du bel officier qui s’informait de l’humble demoiselle de compagnie de sa maîtresse,

— Je désirerais la voir un instant, dit vivement de Montarville, qui sentait, en répondant, qu’il aurait volontiers sacrifié toutes ses espérances de gloire et d’avancement au plaisir de lui parler.

— Je vais le lui dire, monsieur, fit-elle avec le même air de profond étonnement, en le conduisant au salon. Qui annoncerai-je ?

— Dites seulement à mademoiselle Lauzon que l’on désire la voir.

Comme les moments semblèrent longs à de Montarville. Que ferait-il si Rose, soupçonnant, à la description que la servante ferait de lui, quel était ce visiteur, refusait de le recevoir, ou bien attendait le retour de sa protectrice avant d’entrer dans le salon ?

Ces doutes désagréables s’évanouirent bientôt, car la porte du salon s’ouvrit doucement, et Rose, dans toute sa fraîcheur et sa beauté, Rose, telle qu’il l’avait souvent vue dans ses rêves, non pas vêtue de sa pauvre robe de paysanne, mais mise d’un costume plus conforme à la délicatesse et à la douceur de ses traits, Rose était devant lui.

Sa joue devint plus pâle que le marbre, quand son regard tomba sur le visiteur, et, tremblante, agitée, elle se laissa tomber sur un siège, en prononçant son nom.

— Oui, Rose, c’est moi, moi qui vous ai demandée, qui

  1. L’édifice dont il est ici question, simple construction en pierres brutes, était situé sur la Place d’Armes, vis-à-vis le lieu maintenant occupé par la magnifique église Notre-Dame. Il fut détruit en 1830, mais la tour resta jusqu’en 1843, époque à laquelle elle fut aussi démolie, pour ajouter à la beauté et à la symétrie du carré.