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LE MANOIR DE VILLERAI

Quelles que fussent les pensées de de Montarville durant cette après-midi, pendant qu’il se promenait sur le pavé inégal de la rue Notre-Dame, elles devaient certainement être bien tristes, à en juger par l’expression de sa figure.

Tout à coup, cependant, sa joue se colore, son œil s’anime, et toute sa contenance, comme par magie, se change entièrement… Quel événement extraordinaire et inattendu a pu causer ce changement subit ?

Son regard était accidentellement tombé sur le profil délicat d’une jeune fille mise en noir, qui, d’une démarche légère, le dépassa rapidement. L’objet qui attirait son attention était voilé avec soin, mais à travers les plis épais de son voile, il avait reconnu la beauté irréprochable de Rose Lauzon.

Sa première pensée fut de s’élancer vers elle et de lui adresser la parole ; mais se rappelant subitement sa fermeté et sa résolution dans ce qu’elle nommait le chemin du devoir, il résolut de ne pas l’aborder avant d’avoir connu, si c’était possible, le lieu de sa résidence. Il la suivit donc tranquillement à une distance considérable, jusqu’à ce qu’enfin elle s’arrêtât devant la porte de madame de Rochon.

Il ne connaissait cette dame que de réputation ; il savait qu’elle appartenait à une des plus anciennes familles du pays, et qu’elle s’était rendue remarquable par sa généreuse charité et son active bienfaisance. Supposant que Rose n’était entrée là que pour porter un message, il résolut d’attendre qu’elle sortît.

Pendant donc qu’il se tenait à son poste, il cherchait en lui-même les raisons probables qui avaient pu amener la jeune fille à Montréal ; et il bénissait l’heureux hasard qui lui avait procuré l’occasion de rencontrer celle qui, en dépit de tous les obstacles, régnait encore en souveraine sur son cœur.

Trouvant, après une demi-heure, que Rose retardait encore, il était sur le point de traverser le chemin pour entrer dans la maison, quand la porte s’ouvrit, et une vieille dame mise simplement, qu’il pensa justement être madame de Rochon, descendit les marches. Cette circonstance le décida à rester encore quelque temps à sa place, et il attendit