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LE MANOIR DE VILLERAI

tranquille au milieu du bruit et de la gaieté d’une fête qui se prolongerait plusieurs heures ?

— Là, là, tante, c’est assez ! Je crois vraiment que vous vous êtes tous ligués contre moi depuis peu ; mais, réellement, vous n’avez pas besoin de prendre si chaudement la part de papa, car il disait l’autre jour que la manière dont vous prodiguiez vos richesses en vaines charités, encourageait la paresse, favorisait l’oisiveté, et était absurde et insensée au dernier degré. Mais, tenez, je me sens tellement impatientée et hors de moi-même, qu’il faut que je vous dise adieu de suite.

— Sans être fâchée, j’espère, Pauline.

— Non ; qui pourrait être fâchée contre vous ? vous êtes trop patiente pour en donner l’occasion, même au caractère le plus irascible : mais je reviendrai vous voir demain ; seulement tenez loin de cette chambre cette affreuse petite hypocrite, tant que je serai avec vous.

Madame de Rochon était accoutumée depuis l’enfance de Pauline à de telles conversations ; aussi reprit-elle avec calme ses occupations ordinaires. Rose vint la rejoindre, dès qu’elle se fut assurée du départ de mademoiselle de Nevers ; et après quelques moments de silence, la vieille dame lui dit avec tranquillité :

— Avez-vous aucune objection, Rose, à me donner les renseignements que vous avez peut-être refusés justement aux interrogations indiscrètes de ma nièce ?

La jeune fille rougit, mais immédiatement, quoique avec une légère hésitation dans le ton, elle raconta sa rencontre avec de Noraye près du manoir, et la généreuse intervention de M. de Montarville.

— Justement comme je pensais, ma chère enfant ; vous êtes parfaitement exempte de tout blâme, de sorte que nous éloignerons de nous le souvenir de ce fait et nous oublierons ceux qui l’ont accompli. Lisez-moi donc un chapitre dans notre livre de lecture ; ça fera une agréable diversion à nos pensées.