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LE MANOIR DE VILLERAI

vie est différente de la sienne. Mais, je vous en prie, dites-moi, d’où vient-elle ? où l’avez-vous rencontrée ? Elle me paraît excessivement jolie pour sa position.

La vieille dame ne put s’empêcher de sourire et reprit :

— Mais tout en étant jolie, elle peut parfaitement remplir ses devoirs, tandis qu’il m’est tout aussi agréable d’avoir vis-à-vis de moi sur ce fauteuil sa jolie et brillante figure, qu’une physionomie commune et maussade.

— Non, non, ma tante, vous vous trompez grandement, et vous vous en apercevrez bientôt. Elle va toujours être occupée à se regarder dans le miroir, quand elle emportera votre couture dans sa chambre ; et au lieu de s’appliquer, elle sera continuellement à s’arranger les cheveux, à se faire des boucles et des coiffures. Je vous le répète encore, vous n’avez pas été sage en prenant à votre service une fille si jeune et si jolie.

— Eh bien ! comme je suis la seule à en souffrir, tu peux m’épargner, Pauline, de nouvelles prophéties. Je prendrai soin que ma protégée ne perde pas trop de temps devant son miroir ; et toi, de ton côté, tu auras bien le soin de ne pas être devant elle aussi légère et aussi frivole que tu l’as été ce matin. Elle a dû sans doute être bien étonnée de ta conduite.

— Alors, quand je reviendrai vous voir, ma tante, faites éloigner votre demoiselle de compagnie, car je ne me troublerai certainement pas jusqu’à faire de son extrême innocence la règle de ma conversation.

— Eh bien ! oui, Pauline, il en sera ainsi dorénavant ; mais pars-tu ?

— Oh ! oui, chère tante, reprit-elle en attachant son chapeau ; j’ai un grand nombre d’affaires aujourd’hui : deux robes neuves à acheter, une robe de bal et une autre pour sortir, outre des gants, des fleurs et beaucoup d’autres choses. Ensuite il faut que j’arrête chez ma modiste, ainsi que chez le bijoutier pour voir si mon collier de rubis est réparé.

— Dis-moi, Pauline, interrompit madame de Rochon en plaçant doucement sa main sur le bras de la volage enfant, dis-moi, as-tu été voir, comme tu me l’avais promis, cette pauvre famille dans la rue Perthuis ?