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LE MANOIR DE VILLERAI

de chagrin à sa jeunesse, se présenta naturellement à ses pensées, et elle dirigea immédiatement ses pas vers le presbytère.

Sans la moindre colère, sans la moindre émotion, et comme si elle eût parlé d’une personne qui lui eût été étrangère, elle raconta la plus grande partie de ce qui s’était passé entre sa belle-mère et elle.

M. Lapointe écouta tout avec une attention pleine de sympathie ; et quand, elle eut fini, il reprit doucement :

— Ma chère enfant, j’avais prévu tout cela et je m’y attendais. Je vous crois parfaitement justifiable, maintenant que Dieu a retiré votre père du monde, de chercher une autre demeure où vous puissiez être plus heureuse. Le lendemain de la mort de votre père, j’écrivis à une vieille dame de Montréal, aussi riche que bienveillante, que je connais depuis de longues années. Je lui racontai toutes les circonstances exceptionnelles dans lesquelles vous vous trouvez, et la priai de vous recevoir chez elle, au moins pour quelque temps. Votre habileté dans les ouvrages d’aiguille, qui vous rendrait utile partout, et la parfaite connaissance que vous avez en lecture et en écriture, vous rendront pour elle une acquisition infiniment précieuse. La réponse, j’en suis assuré d’avance, sera affirmative, car la charité de madame de Rochon est aussi active et prompte qu’illimitée ; elle arrivera probablement demain ou après-demain, et d’ici là, ma bonne sœur Marie partagera avec vous sa chambre et fera tout son possible pour vous rendre heureuse.

La pauvre Rose, remplie de reconnaissance et d’émotion, pouvait à peine exprimer ses remerciements ; mais mademoiselle Marie entra sur ces entrefaites très à propos, et après quelques paroles bienveillantes, déclara qu’elle arrivait justement à point pour l’aider à faire ses pâtisseries du samedi, qu’elles commenceraient dès que la jeune fille serait prête.

Tandis que Rose et sa bonne hôtesse étaient occupées à peler les pommes et à confectionner d’excellents pâtés, dans la cuisine si propre et si simple du presbytère, M. Lapointe disait tranquillement son bréviaire dans une bonne vieille berceuse à l’ancienne mode placée près d’une fenêtre