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des pots, avaient été placés dans tous les endroits disponibles, et une longue table recouverte d’une nappe de toile du pays était remplie de vaisselle et de verres.

Dès que la joyeuse compagnie fût entrée dans la maison, les femmes se rendirent dans la chambre à coucher pour ôter leurs grands chapeaux de paille et défriper leurs robes d’indienne,[1] et chacune, à tour de rôle, alla se lisser les cheveux et se regarder dans l’unique miroir, lequel, pour les remercier, leur renvoyait leur ressemblance d’une manière si difforme et si décourageante, que non-seulement cela suffisait pour guérir la vanité cachée qu’aurait pu posséder celle qui s’y regardait, mais encore pour en faire reculer quelques-unes d’épouvante.

On se passa généreusement les pots de cidre et de bière, ainsi que du sirop de vinaigre, — breuvage rafraîchissant que chaque ménagère canadienne sait faire à la perfection, et peu d’instants après, au milieu des observations sur la chaleur et les récoltes, on se plaça à l’entour de la table. Après que le curé du village à qui on avait donné la place d’honneur eût récité le benedicite, on attaqua résolument les plats friands qui se trouvaient devant soi. La table en était vraiment surchargée : c’étaient des volailles, des saucisses, des porcs-frais, des crêpes toutes fu-

  1. Nos lecteurs sont priés de se rappeler que ceci se passait dans l’enfance de notre héros. Depuis lors, il faut convenir que les modes ont fait dans nos campagnes de rapides progrès.