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mand fut réveillé par la servante qui était entrée pour mettre la chambre en ordre, et, chose assez singulière, à l’exception d’un léger mal de tête, il ne lui restait aucun symptôme désagréable de sa bombance de la veille. Il passa dans la cuisine, se baigna la tête et le visage dans de l’eau froide, et son mal de tête disparut. Après s’être lissé la chevelure le mieux qu’il pût, il revint dans la salle. Là il comprit tout : les verres vides et d’autres traces de la récente bamboche, le sopha sur lequel il avait passé la nuit ; oui, il s’était abandonné librement et entièrement au tentateur ! À présent que son pouls était calmé et son front rafraîchi, à présent que sa raison avait repris son empire, était-il fâché et peiné de ce qui était arrivé ? Hélas ! une expression d’opiniâtreté passa sur sa figure, et son cœur répondit : non ! Il se rappela la sensation de réjouissance, de bien-être et d’oubli de sa misère que cette ivresse lui avait procurée, et il résolut d’y avoir souvent recours. Il ne pouvait payer trop cher cette bienheureuse interruption dans la monotonie de sa misérable vie dont il était excessivement fatigué.

Il était assis, les yeux fixés sur le plancher, absorbé dans ces pensées, lorsque la porte s’ouvrit doucement et se referma presqu’aussitôt. Il leva les yeux, et quel ne fut pas son étonnement en apercevant Gertrude de Beauvoir debout près de lui. Elle était extrêmement pâle et avait une main appuyée sur la table comme pour s’y soutenir.