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son de celle que créait la présence de ces nouveaux hôtes. Jamais Délima ne s’aventurait seule dans ce château-fort de l’ennemi, de sorte qu’Armand était obligé de l’accompagner dans les pérégrinations qu’elle avait à y faire pour aller chercher le matériel de leurs repas ; cela lui causait tant d’ennui qu’il eût de beaucoup préféré vivre comme un anachorète, au régime du pain et de l’eau. On se procura un chat, mais ce petit animal limita ses exploits à piller la paneterie et à briser une quantité incroyable de faïences, et on finit par reconnaître qu’il était plus nuisible que les rats eux-mêmes.

Et pendant ce temps-là, se demandera-t-on, comment Délima se tirait-elle d’affaire dans la conduite du ménage ? Son mari voyait-il la réalité s’élever jusqu’au niveau des visions dorées dont il s’était bercé ?

Le fait est que, dérouté par les décourageantes découvertes que chaque jour apportait et distrait par les plans et les conjectures qu’il formait pour faire face à ces embarras, Armand avait à peine remarqué que les biscuits étaient trop solides et pesants, les viandes brûlées ou rarement cuites à point, et la soupe un indescriptible mélange de fluide graisseux dans lequel nageaient des amas de légumes à moitié crûs. Quand cependant le jeune mari risquait à ce sujet quelques observations, ce qui lui arrivait d’ailleurs fort rarement, Délima lui demandait, indignée, comment il voulait qu’elle pût faire la cuisine comme il faut, entourée comme elle