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constante surveillance d’étrangers, qu’elle en était venue à la conclusion qu’elle aimerait mieux mourir de faim dans un petit logement à elle, — ne fût-ce qu’un grenier — plutôt que de rester dans cette situation.

Comme de raison, madame Martel était au fond de tout ce murmure et ce mécontentement. Ce rusé brandon de discorde trouvait que dans ses visites à la jeune femme elle n’avait pas assez de liberté et n’était pas reçue comme elle l’aurait aimé. Impossible de se passer le luxe d’une délicieuse tasse de thé et d’une de ces longues veillées terminées par un souper chaud. En un mot, il valait autant que Délima fût à Saint-Laurent pour le profit et le plaisir que sa compagnie lui rapportait. Aiguillonnée par des conseils si intéressés, la jeune madame Durand se rendit bientôt désagréable et haïssable aux autres pensionnaires ; son affectation et ses airs de supériorité servirent de risée. Tous les soirs, lorsque notre héros arrivait du bureau, elle avait un nouveau grief à conter, une nouvelle histoire de dureté et d’oppression à lui communiquer ; si bien, qu’insensiblement, il finit par redouter son arrivée à la maison de pension autant qu’autrefois au domicile de madame Martel. De temps à autre elle changeait son histoire et insistait sur le bonheur qu’ils goûteraient dans un chez-soi, quelque humble qu’il fût, sur l’économie et l’habileté qu’elle déploierait dans la direction de son ménage. Le tableau était engageant, et Armand se surprit souvent à