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vertes, je dois ajouter que je ne crois pas que ce soit sans retour.

La jeune fille voulut se défendre, mais sa rougeur et sa confusion augmentèrent ; force lui fut de subir en silence les agaceries de sa cousine. Lorsque celle-ci eut fini, elle reprit avec gravité :

— Lucille, crois-moi, je suis sincère en disant que je ne crois pas l’aimer. J’ai, il est vrai, beaucoup d’admiration pour lui, je préfère même sa société à celle de la plupart des autres…

— Eh ! bien, délicieuse petite innocente, qu’est-ce que c’est que cela, sinon de l’amour ? Lorsque je fus mariée à M. d’Aulnay, moi je n’en ressentais pas de la moitié autant. Sérieusement, tu es très heureuse, et tu seras un sujet d’envie pour toutes les jeunes filles nos amies. Indépendamment de ses dons personnels qui sont considérables, le major Sternfield appartient à une excellente famille, et malgré sa jeunesse, il occupe un rang élevé dans l’armée. Six ans après ton union avec lui, tu seras probablement la femme d’un colonel !

— Mariée à lui, Lucille ! Comment peux-tu parler aussi légèrement ? N’as-tu pas lu, tout à l’heure, la lettre de mon père ?

— Qu’est-ce à dire, enfant ? Qui a jamais entendu parler de pères, dans la vie réelle ou fictive, qui aient fait ce qu’ils auraient dû faire, qui aient agi avec tendresse et d’une manière raisonnable ? La plupart