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IX.


Quelques instants après, le colonel Evelyn entra. À la vue du groupe qui se présenta à son regard préoccupé, il sourit involontairement.

En voyant arriver ce grand étranger, le petit qu’Antoinette tenait sur elle s’enfonça dans les vêtements de la jeune fille et s’y blottit avec autant de naturel que si sa petite tête eut été habituée à reposer près d’un corsage de soie et à effleurer des bijoux.

Antoinette était réellement belle en ce moment ; l’expression de ses traits, en promenant les yeux de l’un de ses petits auditeurs à l’autre, lui donnait un charme que sa beauté ne lui avait jamais peut-être communiqué dans un salon ou une salle de bal.

À l’arrivée d’Evelyn, elle s’informa avec empressement du sort des chevaux.

— Notre hôte est à y voir, répondit-il avec indifférence, et il va revenir dans quelques instants. Mais dites-moi, n’avez-vous réellement pas souffert de notre mésaventure ? Ne ressentez-vous aucune douleur, aucun mal ?

— Non — oui — je ressens là comme une vive douleur, dit-elle en découvrant jusqu’au coude un joli bras rond parfaitement modelé et en indiquant une large meurtrissure qui se faisait remarquer à sa douce surface.

La figure du colonel trahit une certaine émotion