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Bientôt les excursionnistes s’élancèrent gaiement et fièrement, faisant retentir l’air des sons harmonieux des petites clochettes suspendues au cou de leurs chevaux. Après avoir parcouru la rue Notre-Dame sur toute sa longueur, ils franchirent la porte de ville qui leur donna une sortie des murs[1], et peu après ils se trouvèrent en pleine campagne, sur le chemin de Lachine.

L’humeur sombre du colonel Evelyn et la contrainte d’Antoinette ne tardèrent pas cependant à

céder aux charmes du brillant spectacle qu’offraient la superbe température qui régnait en ce moment et l’apparence de ces vastes champs recouverts de leur blanc manteau de neige, étincelant comme si une fée invisible les avait parsemés d’une poussière de diamants. Il y avait aussi quelque chose d’égayant dans cette course rapide et dans ce froid vif et piquant ; mais l’insensibilité paraissait avoir fait sentir son influence sur tous les deux, car l’un et l’autre demeuraient silencieux. La scène était nouvelle pour Evelyn ; mais dans la crainte d’amoindrir par de plates

  1. Ces murs, qui avaient été primitivement élevés pour protéger les habitants de la ville contre les attaques de la tribu Iroquoise, avaient quinze pieds de hauteur, et étaient surmontés de créneaux. Quelques années plus tard, ils tombèrent en décadence et finalement ils furent enlevés, conformément à un Acte de la Législature Provinciale, pour faire place à des améliorations judicieuses et nécessaires. — Note de l’auteur.