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— Oui, et c’est bien ce qu’il avait de mieux à faire, dit Lucille d’un air significatif. Il savait très-bien qu’après l’éclat qui a accompagné la mort de Sternfield et la divulgation du secret qui avait été si scrupuleusement gardé jusque-là, il n’aurait pu facilement te trouver un mari convenable. La bonne et honorable conduite d’Evelyn y a été, aussi, pour beaucoup. Pendant que tu étais en proie aux premières attaques de la fièvre, le colonel est venu ici presque fou de douleur à la nouvelle du danger que tu courais. Ton pauvre père se trouvait par hasard dans la chambre où il fut introduit par la distraite Justine qui, comme les autres domestiques semblait avoir perdu l’esprit ; ils échangèrent quelques paroles, ayant eu, comme tu sais, occasion de faire connaissance dans le mémorable voyage de mon oncle de Mirecourt à Québec. Je ne sais pas exactement comment les choses se passèrent, mais toujours est-il que le colonel Evelyn ouvrit entièrement son cœur à ton père, lui fit part de ses craintes, de ses espérances, de ses sentiments, et reçut de lui la sanction de sa demande dans le cas où tu reviendrais à la vie, ce qui, alors, paraissait très-douteux. Nous nous sommes accordés tous ensemble à ne pas courir le risque de t’agiter à ce sujet jusqu’à ce que tu fusses suffisamment rétablie pour permettre à ton fiancé de plaider sa propre cause auprès de toi… Et maintenant, que penses-tu de mes talents en fait de diplomatie ? Deux maris dans le court espace d’une