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« Ma chère madame d’Aulnay,

Celui qui vous écrit ceci fuit actuellement la justice, et, s’il n’est pas arrêté, il aura bientôt laissé pour toujours son pays natal. Le major Sternfield m’a insulté, hier soir, et excité à un tel point que je n’ai pu me maîtriser, par son insolente cruauté à l’égard de notre pauvre Antoinette qui — le Ciel la préserve ! — paraît être singulièrement en son pouvoir. Dans le premier moment, je contins ma colère, et j’attendis mon tour qui ne tarda pas à venir, car, comme il quittait la maison, je le suivis. Arrivés dehors, je l’abordai et lui demandai des explications que, vous le comprenez, il était aussi peu disposé de me donner que j’étais fiévreux de recevoir.

Ce matin nous nous sommes rencontrés sur le terrain, et il est tombé mortellement blessé : on me dit qu’il est mourant.

Dites à Antoinette que si, contrairement à mes suppositions et à mon intime conviction, cet homme lui est réellement cher, je la conjure, au nom de l’immense et sincère amour que j’ai toujours eu pour elle, de me pardonner. Je regrette profondément la mauvaise action dont je viens de me rendre coupable, non pas tant à cause des conséquences qui en résulteront pour moi, que pour la terrible responsabilité que j’ai encourue en précipitant dans l’éternité un de mes semblables dans toute la force de l’âge. Ah ! avant d’avoir commis le crime, je n’aurais jamais pensé que le remords serait aussi âpre, aussi cuisant !…