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venir l’eau à la bouche des voyageurs affamés et qui envahissait la maison, la table avec ses trois couverts, ses nappes blanches comme la neige, ses verres et son argenterie brillante, tout indiquait qu’ils étaient attendus.

Avec cette bonne humeur qui offrait au moins une compensation dans son caractère frivole, madame d’Aulnay ouvrit précipitamment une des malles d’Antoinette, en prit une jolie robe et insista pour que sa cousine la mît.

— Tu sais, dit-elle, qu’Audley doit venir ce soir, et je veux que tu paraisses avec avantage ; ainsi, puisque tu n’as que dix minutes pour t’habiller, fais diligence. M. d’Aulnay, tout philosophe et patient qu’il soit sous tous les rapports, devient l’homme le plus intraitable du monde quand on le fait attendre pour son dîner.

Antoinette fut prête à temps et descendit dans la salle où M. d’Aulnay, la montre en main, se promenait de long en large.

— Quel trésor de femme tu feras, jolie cousine ! dit-il en souriant : toujours prête au moment convenu ! L’effet du long voyage qu’elle venait de faire eut un bon résultat sur l’appétit d’Antoinette ; et les saillies pleines de finesse de Lucille qui était, ce jour-là, dans sa meilleure humeur, communiquèrent à son esprit une gaieté qu’elle n’avait pas connue depuis plusieurs semaines déjà. Elle était libre aussi, du moins pour quelque temps, de la crainte qui la harassait depuis plusieurs