Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir à la hâte essuyé ses yeux et lissé ses cheveux, elle se rendit au salon en se préparant une contenance indifférente. Se plaçant près des deux rideaux cramoisis afin que l’ombre qu’ils projetaient pût cacher un peu sa pâleur — précaution qu’elle tenait de madame d’Aulnay, elle fit tout son possible pour répondre avec calme aux paroles qu’on lui adressa. Quelques instants après, M. de Mirecourt fut appelé à son bureau par un voisin qui venait solliciter ses conseils et son arbitrage : les deux jeunes gens se trouvèrent seuls, madame Gérard étant occupée à des affaires de ménage.

— Qu’avez-vous donc, Antoinette ? demanda Louis qui avait deviné son trouble en dépit des rideaux cramoisis et de l’assurance qu’elle avait tenté de se donner.

— Oh ! Louis ! je suis bien misérable, bien malheureuse ! répondit-elle.

— Je m’en suis aperçu dès le premier moment de votre retour, répliqua-t-il gravement ; vous n’êtes plus la jeune fille si gaie et si heureuse d’autrefois. Mais, chère Antoinette, puis-je faire quelque chose pour vous?

— Oh ! Oui, dit-elle en l’interrompant et enjoignant ses mains. Tâchez de m’obtenir la permission de retourner prochainement, de suite, à Montréal.

— Oui, à la société si pleine de charmes de l’irrésistible major Sternfield ! continua-t-il avec une amertume pleine de jalousie dont il put se rendre maître.