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d’œil en arrière et juger l’irrévocable passé. Quel fut le résultat de cet examen sévère ? C’est ce qu’on a pu deviner par l’exclamation qui venait de s’échapper de ses lèvres.

Si Audley Sternfield s’était toujours montré doux et tendre, il n’y a pas de doute que le goût passager qu’elle avait pris pour de l’amour se serait changé en une profonde affection, car sa nature, à elle, était aimante et aimable ; mais le système de persécution et d’intimidation qu’il avait adopté à son égard aussitôt après leur mariage avait sensiblement altéré l’attachement naissant qu’elle éprouvait pour lui : et, avec une terreur pleine d’angoisse pour l’avenir et un amer regret du passé, elle reconnaissait maintenant en son cœur ulcéré qu’elle ne faisait que craindre et trembler quand elle aurait dû aimer et espérer. Une demi-heure s’écoula pendant laquelle, la tête appuyée sur ses mains, elle regardait tristement les branches nues des arbres qui, jouet des vents de février, se balançaient doucement ou s’agitaient avec violence. Dans cette attitude mélancolique, elle rêvait combien il lui était impossible de goûter encore une fois la paix et le bonheur.

Un léger coup frappé à la porte la fit tressaillir. C’était madame Gérard qui venait lui annoncer que M. de Mirecourt et Louis l’attendaient au salon.

— Veuillez les rejoindre, chère madame Gérard, je vais descendre dans quelques instants.