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tume de faire quand le hasard le plaçait en tête-à-tête avec une jolie femme, il s’approcha plus près d’Antoinette, et, tout en disant quelques-unes de ces banalités de conversation qu’il savait pourtant généralement éviter, il s’étonna de la singulière expression de tristesse qu’il remarquait pour la première fois sur sa figure.

— Vous vous êtes bien tôt lassée de la danse, ce soir ? dit-il après quelques instants de silence.

— C’est vrai ; il faut que je conserve mes forces pour mon voyage de demain. Je dois partir pour Valmont aussitôt après le déjeûner.

— Ah ! vous nous quittez donc ? Que vont faire vos amis et vos admirateurs pendant votre absence ?

— M’oublier ! répondit-elle avec indifférence.

Evelyn pensa que si elle avait inspiré de l’amour, elle ne pourrait être aussi facilement oubliée ; mais il se contenta de répondre :

— Comme vous les oublierez sans doute ?

Ah ! le pourrait-elle ! Parmi ceux qu’elle quittait, il y en avait un qu’elle ne pouvait, qu’elle ne devait jamais oublier ; et comme il l’avait chagrinée, comme il avait blessé ses sentiments durant cette douloureuse soirée !

Elle ne répondit pas à l’observation du colonel, mais le vif incarnat qui monta à sa figure, l’expression de douleur morale qui se dessina sur ses traits indiquèrent clairement que cette remarque l’avait profondément touchée. Ému, il changea bientôt le ton de la conversation, se contenta de déplorer le malheur