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d’Aulnay quand elles furent seules. Je vais t’accompagner dans ta chambre où je resterai jusqu’à ce que tu sois au lit.

La jeune fille — nous continuerons à l’appeler ainsi — obéit passivement Quand elle fut débarrassée de la belle robe dont elle s’était revêtue pour son mariage, quand elle eut renfermé dans son petit bonnet sa longue chevelure qu’elle avait rejetée en arrière, ce qui la fit paraître doublement jeune, elle s’agenouilla sur son prie-Dieu, mais se releva presqu’aussitôt en s’écriant avec agitation :

— Lucille, je ne puis, je n’ose pas prier ce soir !

— Et pourquoi ? petite capricieuse. Il me semble que la prière doit t’être doublement nécessaire, puisque tu as maintenant à prier pour un bel homme, un mari dévoué. Mais, ne t’en occupe pas ce soir ; car, à ce que je vois, tu es réellement malade : ta main est fiévreuse. Couche toi immédiatement.

Antoinette se soumit passivement à ces injonctions, mais elle n’en retira aucun repos, ni pour son corps, ni pour son esprit. Pendant plusieurs heures, sa cousine fut obligée de s’asseoir à son chevet et de la surveiller. Tantôt une surexcitation nerveuse venait troubler son sommeil, tantôt elle éprouvait des terreurs qui l’empêchaient de fermer les yeux ; enfin, vers une heure du matin, elle tomba dans un profond repos. Madame d’Aulnay se retira alors, plus inquiète et troublée qu’elle ne voulait se l’avouer à elle-même.