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LE MAGASIN DES ENFANTS.

dit à tout moment que j’ai de l’esprit comme un ange. L’autre jour je fus chez la marquise de L… qui a beaucoup de tableaux ; il y avait plusieurs dames qui demandaient ce qu'ils signifiaient ; je me mis à rire ; et le marquis, qui sait que j’ai lu des Métamorphoses, me demanda si je connaissais les sujets de ces tableaux ; je les expliquai tous ; on m’admira, et c’est un grand plaisir d’être louée, admirée. Et puis j’ai le plaisir de me moquer des ignorantes, et de rire des bêtises qu’elles disent à tous moments : cela m’amuse beaucoup mieux qu’une poupée.

ADELINE.

Eh bien, mademoiselle, j’aime mieux être ignorante que méchante. Si l’esprit ne sert qu’à se moquer des autres, je ne me soucie pas d’en avoir. Qu’en pensez-vous, Sophie ? On dit que vous étudiez beaucoup ; est-ce aussi pour vous moquer de celles qui, comme moi, n’ont point d’esprit ?

SOPHIE.

Non, ma chère ; j’étudie parce que cela m’amuse et m’instruit, et j’espère que cela me rendra bonne quand je serai grande.

JULIETTE

Puisque l’étude vous divertit, pourquoi gardez-vous encore des poupées ?

SOPHIE.

Pour amuser mes bonnes amies ; je suis si contente quand je puis leur faire plaisir !

ADELINE.

Je vous suis bien obligée, ma chère ; gardez votre poupée pour moi, et quand je n’aimerai plus à jouer, je viendrai étudier avec vous pour apprendre à être bonne ; car vous l’êtes beaucoup.

SOPHIE.

Si vous voulez, mesdemoiselles, nous passerons dans la chambre de mademoiselle de la Feuillade, mon institutrice : elle nous attend pour prendre le thé avec elle.