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SEPTIÈME DIALOGUE.

MADEMOISELLE.

Les dames de ce temps-là n’étaient point aussi fières que celles d’aujourd’hui, ma chère. Sara était comme une princesse, et pourtant elle prenait soin du ménage de son mari, et faisait elle-même la cuisine ; les jeunes demoiselles menaient boire les moutons : tout le monde travaillait.

MARIE.

Mais, mademoiselle, cela ne serait pas joli, si maman faisait elle-même la cuisine.

MADEMOISELLE.

Vous avez raison, ma chère ; mais si les dames ne doivent pas faire la cuisine, elles doivent du moins avoir soin de leur ménage, prendre garde aux domestiques, et penser qu’une honnête femme doit être la première intendante de sa maison.

JULIETTE.

Mais, mademoiselle, cela ne se peut pas : une dame n’en a pas le temps. Il faut qu’elle aille en soirée, à la comédie, à l’opéra.

MADEMOISELLE.

Souvenez-vous bien de ce que je vais vous dire, ma chère. Dieu ne nous a pas mis au monde pour jouer, pour courir les bals, les spectacles. On peut y aller quelquefois pour se délasser ; mais celles qui ne font autre chose, font mal, et Dieu les punira, parce qu’elles négligent leurs devoirs, et c’est un grand péché. Une femme est obligée d’avoir soin de ses enfants, de ses domestiques. Tout le mal qu’ils font pendant qu’elle n’y est pas, Dieu lui en demandera compte, et il y aura un grand nombre de femmes qui seront punies de cette négligence-là. D’ailleurs, c’est un grand péché de dépenser inutilement tant d’argent ; on vole cet argent aux pauvres ou à ses enfants.

JULIETTE.

On ne peut donc pas dépenser son argent à sa fantaisie ?

MADEMOISELLE.

Dites-moi, ma chère : votre papa a des fermiers qui vendent le blé et les fruits de ses terres ; ces fermiers sont-ils maîtres de l’argent qu’on leur donne pour ces blés, ces fruits ?